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Le Tour de France féminin 2025, un succès populaire à préserver pour mieux grandir

Le Tour de France féminin 2025, un succès populaire à préserver pour mieux grandir
Le Tour de France féminin 2025, un succès populaire à préserver pour mieux grandirPhoto par RONAN HOUSSIN / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Après seulement quatre éditions depuis sa renaissance en 2022, le Tour de France féminin réunit les foules : sur les bords des routes, derrière la télévision… Un succès populaire très positif pour l’avenir du cyclisme féminin tricolore.

Après un départ sous le soleil à Vannes, devant des centaines de spectateurs massés derrière les barrières, le Tour de France féminin a poursuivi sur sa lancée à travers les villages et les cols tricolores, rameutant chaque jour un peu plus de curieux. Difficile encore d’estimer combien de Français sont venus scruter les passages éclaires des coureuses. Mais l’engouement est là. "Il y a trois ans, lorsque nous avons relancé l'épreuve, le niveau (sportif) était très hétérogène et nous devions chercher des villes étapes parce qu'il n'y avait pas de candidats, se souvient Christian Prudhomme, directeur du Tour de France auprès de l’AFP. Aujourd'hui, il y a une vraie densité avec du suspense et les villes se bousculent désormais pour accueillir ce Tour de France féminin."

Pauline Allin, ex-coureuse professionnelle de l’équipe Arkea qui a participé au premier Tour de France féminin en 2022, se rappelle déjà avoir vécu "un truc de malade" en s’élançant dans la Grande Boucle : "On avait le bus des garçons, dont le Tour se terminait quand le notre commençait. Et le chauffeur du bus, qui venait de faire le Tour avec eux, nous disait qu'il y avait quasiment autant de monde au départ que pour les hommes." Selon elle, le Tour de France féminin a très vite rassemblé autant en raison du côté "festif" associé à l’évènement : "Les gens viennent parce que c’est le Tour de France, il y a la caravane… C'est un des seuls sports où on peut voir des athlètes aussi proches."

Si peu de courses cyclistes féminines sont diffusées et disponibles au grand public, le Tour lui reste une exception. Y compris pour des sportives habituées à l’anonymat. "J'ai participé à toutes les plus belles courses mondiales, des Paris-Roubaix, des Liège-Bastogne-Liège, des Giro. Quand je suis arrivée au Tour, c'est x1000", retrace Pauline Allin, qui s’était offert à l’époque une échappée sur les Champs Élysées et avait pris au passage des dizaines de followers sur les réseaux sociaux.

Un cyclisme plus hétérogène

Au-delà de cette étiquette du Tour de France, déjà largement marketée, le peloton féminin réuni aussi aujourd’hui bon nombre d’équipes déjà connues chez les hommes et rend les coureuses plus facilement identifiables. Qui s’élancent donc dans la foulée de celui des hommes, profitant de l’élan généré par celui-ci. Mais avec un niveau moins homogène, générant plus de surprises. "Le cyclisme masculin c'est très stéréotypé, abonde Pauline Allin. Les niveaux chez les hommes sont très très proches, donc pour faire des différences, c'est de plus en plus dur. Chez les femmes, il y a encore quelques différences parce que c'est encore en train d’évoluer."

La compétition selon elle est encore "assez ouverte", amenant un autre attrait : "Quand on voit Lotte Kopecky l'année dernière, une sprinteuse, qui jouait devant en montagne… Ça, chez les hommes, c'est impossible. On ne verrait jamais un sprinter devant." Mais elle soulève aussi la disparité de niveau, entre une Demi Vollering qui s’est engagée avec la FDJ pour un contrat à hauteur de 1,2 millions d’euros par an, contre beaucoup de coureuses dont le salaire est fixé au minimum UCI pour les World Tour, à savoir 44 000 euros bruts annuels, soit plus de deux fois le montant du SMIC annuel. 

Malgré ce minimum, les disparités entre les coureuses et les équipes restent encore énorme. "Je connais bien Maëva (Squiban), elle était chez Arkea, et Arkea c’est déjà pas trop mal, mais quand elle est arrivée chez UAE cette année, ça n’avait rien à voir. Le matériel, les moyens humains, tout… Ce sont les mêmes conditions que les hommes", salue Pauline Allin, qui n’avait elle qu’un maigre "salaire" de 300 euros par mois lorsqu’elle s’élançait sur le Tour en 2022, avec l’obligation donc de travailler en-dehors. Pour autant elle note que deux coureuses des équipes Winspace et Saint-Michel étaient hors délais dès la 2e journée du Tour.

Un engouement à préserver pour grandir encore

Le Tour de France femmes peut progresser donc, mais il progressera grâce à cet engouement populaire croissant, constaté sur les routes de France. Sans recettes liées à la billetterie, en l'absence de redistribution des droits TV, le cyclisme féminin comme masculin survit donc uniquement grâce aux sponsors. D'où l'importance de la médiatisation. La bonne nouvelle est que celle-ci suit aussi, puisque les premiers chiffres disponibles mentionnent des audiences "historiques", selon Eurosport et France Télévisions qui diffusent l’événement.

Lors des cinq premières étapes, France 2 enregistre une moyenne de 2,2 millions de téléspectateurs (26,8% de part d'audience), un pic de 4,1 millions ayant été atteint dimanche lors de l'étape diffusée avec celle des hommes. L'an dernier, le pic était de près de 3,5 millions de téléspectateurs pour l'arrivée à l'Alpe d'Huez, selon des chiffres de l'organisateur. A titre de comparaison, le Tour masculin a enregistré son meilleur score depuis 20 ans lors de la dernière étape à Paris dimanche qui a attiré jusqu'à 8,7 millions de téléspectateurs sur France 2.

Des chiffres qui devraient d’autant grimper après les trois victoires françaises sur les trois dernières étapes, signées Maëvan Squiban (doublé) et Pauline Ferrand-Prévot, et la victoire annoncée de "FPF" au général avant l’ultime étape de ce dimanche. Et permettre au cyclisme féminin tricolore de passer un nouveau cap. "Ce qu’il manque en France, c'est un réservoir. Il y a des Françaises, mais il n'y a pas de grosses bases, indique Pauline Allin. Si ces victoires peuvent inciter des jeunes filles à faire du vélo, ce serait formidable, parce que plus on a un gros réservoir et plus on a de chance d'en avoir devant."

Le succès de l’édition actuelle et la croissance exponentielle du cyclisme féminin sur les cinq dernières années poussent aussi certains à vouloir allonger davantage ce Tour de France féminin, qui se déroule pour l’instant sur une semaine contre trois pour les hommes. Mais celle qui travaillait jusqu’à peu comme entraîneur centre mondial du cyclisme appelle à ne pas "griller les étapes" : "Pour l’instant ils ont rajouté une journée, mais il faut y aller doucement. Devant, on a des très fortes, très rapides, beaucoup d'argent. Et derrière… Il faut faire attention à ce qu’on fait, parce qu'après on risque d'avoir un cyclisme à deux vitesses."