21 éditions de Paris-Roubaix juniors, et jamais un vainqueur n'a trouvé l'ouverture chez les séniors. Parmi eux, Mads Pedersen. Quand le Danois s'est imposé sur le Vélodrome en 2013, difficile d'imaginer qu'il allait faire la carrière qu'il est en train de construire, tant on sait que triompher à quelques niveaux chez les juniors n'offre aucune garantie pour la suite.
12 ans plus tard, le Danois est un cador du peloton, avec nombre de victoires dans son escarcelle, des classiques, un titre mondial, des performances de haute volée. Et il est d'ailleurs le seul vainqueur de l'édition juniors à être monté sur le podium chez les séniors. Mais ce qui sépare les grands coureurs des superstars, ce sont les courses mythiques, comme... Paris-Roubaix.
Cette victoire sur un Monument, elle échappe toujours au Danois. Depuis sa deuxième place totalement inattendue sur le Tour des Flandres 2018, on l'imagine capable d'aller chercher une des deux courses majeures du calendrier flandrien. Et pourtant, certains ont saisi leur chance, et ce fut une véritable surprise. Alberto Bettiol, Kasper Asgreen, Sonny Colbrelli, Dylan van Baarle, mais pas Mads Pedersen.
Et peut-être est-ce de sa faute. Quand il est allé chercher ce titre mondial, en champion, en 2019, on voyait le coureur du futur. Solide en échappée, costaud dans les difficultés, rapide au sprint : qu'est-ce qui pouvait l'empêcher de faire un massacre sur les classiques ?
Mais lui - et son équipe aussi sans doute - avaient d'autres plans. Pendant deux ou trois saisons, le Danois a perdu de l'énergie à aller rafler des classements par points, que ce soit sur des Grands Tours où des épreuves plus modestes (le Circuit de la Sarthe...). Et puisqu'il avait la caisse, il était propulsé leader sur certaines courses par étapes, ce qui lui a valu d'enrichir son palmarès avec le Tour de la Provence, l'Étoile de Béssèges, et on en passe.
Car avec une telle polyvalence, son équipe a voulu en profiter. Pour amasser les victoires, et surtout les points UCI. Dans un contexte tellement spécial de nos jours, où le maintien dans l'élite mondiale est primordial, le plus tôt étant le mieux, et à ce moment-là, la LIDL-Trek n'étant pas encore devenue la superpuissance qu'elle est aujourd'hui. Ce qui a sans doute coûté quelques cartouches à Pedersen sur les Monuments.
Mais malgré ce planning chargé, le Danois a fait 4ème de Paris-Roubaix en 2023, et 3ème en 2025. Suffisant pour faire de lui un candidat au titre. Dès cette année ? On le sait, l'attraction, c'est la venue de Tadej Pogačar qui, après son triomphe sur le Tour des Flandres, va viser le doublé, avec en principal adversaire le double tenant du titre, Mathieu van der Poel. Deux adversaires, sur le papier, plus forts que le Danois. Vraiment ?
Si Pedersen n'a par exemple pas insisté au moment de suivre le Néerlandais sur le Grand Prix E3, c'est parce qu'il a peut-être retenu certaines leçons des précédents printemps : courir beaucoup, c'est une chose, mais courir intelligemment, c'en est une autre. L'an passé, le Danois avait couru à l'envers sur Paris-Roubaix, faisant trop d'efforts, trop tôt, et avait sans doute payé la note dans le final. Sans ces coups de boutoir, aurait-il pu faire mieux que cette troisième place ?
Entrer en tête et faire le tempo dans la dangereuse Trouée d'Arenberg était inutile, d'autant qu'il avait déjà fait des efforts avant ça. Et à la première crevaison, il a perdu toutes ses chances de victoire. On pourra arguer que son équipe n'était pas au rendez-vous, mais hormis l'ajout de Jasper Stuyven - lui aussi ancien vainqueur chez les juniors et brillant sur le Ronde - ce sera la même que l'an dernier.
Et il a sans doute encore quelques choses à apprendre. Dont la plus importante : il ne sera pas le favori dimanche. Il y a deux monstres devant lui. Sur les Flandres, son attitude a été parfaite, et lui a offert la deuxième place, le meilleur résultat possible tant Pogačar était intouchable. Le parcours de l'Enfer du Nord lui correspond mieux, et on n'a qu'une seule hâte : le voir se battre à la pédale.
Jamais un Danois n'a gagné Paris-Roubaix. Pour les Scandinaves, il n'y a eu que Magnus Bäckstedt en 2024. 21 ans après, la mission est tout de même compliquée. Mais sur ce qu'il a montré, sur l'expérience qu'il semble enfin avoir emmagasiné pour sortir au bon moment, et sur la maturité montrée, Mads Pedersen sera une belle côte ce dimanche. En tout cas, c'est notre pari.