Avec sa morphologie hors normes pour briller sur des courses de 3 semaines (1.88m pour 80kg), Miguel Indurain a collectionné les victoires (5 d'affilée sur le Tour de 1991 à 1995, 2 consécutive sur le Giro en 1992 et 1993). La particularité du Roi Miguel ? Avoir assis sa domination en contre-la-montre lors de ses 7 succès : 10 victoires sur la Grande Boucle (en comptant les prologues) et 4 sur le Tour d'Italie. En d'autres termes, le Navarrais était un animal froid guère porté sur la notion de panache.
Souverain en contre-la-montre
Remco Evenepoel n'a pas le même gabarit (1.71, pour 61km) et ses grandes envolées vélocipédiques dont déjà entrées dans l'histoire, à commencer par son odyssée australienne pour se parer du maillot irisé de champion du monde. Néanmoins, ses facultés dans l'épreuve chronométrée sont un atout de taille pour mettre ses adversaires à distance, comme le ferait un boxeur à l'allonge supérieur avec son direct du bras avant. Parti à la conquête du triptyque Vuelta-Giro-Tour en 3 ans, Evenepoel a infligé un débours de 30 secondes à Joao Almeida et 43 sur Primoz Roglic dès le chrono inaugural.
L'an dernier sur la Vuelta, une victoire sur le chrono de la 10e étape avait conforté le leadership du Belge, rejetant Roglic à 48 secondes en à peine 31km. Il avait ensuite parachevé son succès final en s'adjugeant la 18e étape à l'Alto del Piornal.
Le chrono pousse-t-il Evenepoel à agir contre-nature ?
Le contre-la-montre convertit-il Evenepoel en leader défensif, limitant ses attaques au minimum et se contentant se lisser ses efforts en comptant les secondes par rapport à sa supériorité dans l'exercice solitaire ? Flamboyant sur Liège-Bastogne-Liège, le Belge est un coureur à l'ancienne, dans la veine des Tadej Pogacar, Wout van Aert et Mathieu van der Poel. Sur les Grands Tours, serait-il un coureur diamétralement opposé, plus calculateur et moins passionnant à voir ?
Il y a une part de rationalité qui entre en collision avec ses facultés d'attaquant né. L'alliage des deux a fonctionné sur la Vuelta. Mais sur une course aussi aléatoire que le Giro, comme l'a prouvé sa chute à cause d'un chien, cette stratégie peut voler en éclats, surtout s'il laisse de l'espoir à ses concurrents. Le chrono arrive à point nommé pour Evenepoel pour se réaffirmer après sa petite défaillance de samedi. Le moment idéal pour réveiller le petit Indurain qui sommeille en lui pour mieux le remiser sitôt les 35 bornes avalées. Les courses aseptisées ne sont plus à la mode depuis bien longtemps.