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L'avenir appartient à Paul Seixas, le prodige français ne semble pas avoir de limites

C'est quoi la suite pour Paul Seixas ?
C'est quoi la suite pour Paul Seixas ?JEFF PACHOUD AFP

Troisième de la course en ligne des Championnats d'Europe derrière Tadej Pogačar et Remco Evenepoel, Paul Seixas vient de confirmer de superbe manière son grand talent. De quoi avoir les ambitions les plus folles pour la suite.

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Tadej Pogačar, Remco Evenepoel... et Paul Seixas. La course en ligne des Championnats d'Europe de cyclisme sur route a vu la victoire du meilleur coureur du monde, devant le meilleur rouleur du monde, et le plus grand espoir du monde ? Après une telle performance, on peut clairement l'affirmer. 

À ce sujet - Tadej Pogačar pour la première fois champion d'Europe sur route, Paul Seixas en bronze !

On savait, on connaissait le talent du Français. Sauf que des coureurs avec du talent, on en a vu des camions entiers : tous n'arrivent pas au plus haut niveau. En l'espace de quinze jours, le Tricolore a démontré l'ensemble de son immense talent. Homme de base du relais mixte français, vice-champion du monde, il a surtout fait sensation en individuel. 

Le sens de la course

Déjà, sur le parcours exigeant des Mondiaux, à Kigali, il avait livré une performance intéressante. 13e au final, certes, mais premier Français, et surtout, absolument pas ridicule pour sa première grande course chez les séniors, là où d'autres ont abandonné en pagaille. Mais ce dimanche, à domicile, tout a peut-être basculé. 

Sur le papier, le leader de l'équipe était Romain Grégoire, au profil parfait pour ce genre de parcours. Est-ce la chute - qui semblait sans gravité - de ce dernier qui a rebattu les cartes ? On en doute, puisqu'il a rallié l'arrivée sans paraître touché, simplement moins fort. Non, Seixas a montré à la pédale de quel bois il était fait. 

Quand Remco Evenepoel a tenté d'emballer la course à une centaine de kilomètres de l'arrivée, seuls deux coureurs ont réussi à suivre dans la terrible Côte du Val d'Enfer : Tadej Pogačar et Paul Seixas. Une impression énorme laissée, mais parfois, les jambes ne suffisent pas. 

Mais visiblement, en termes de gestion de course, il a déjà tout compris. Il ne pouvait logiquement pas - encore - s'accrocher au Slovène. Et quand le Belge a attaqué pour aller chercher la deuxième place, il a bien compris que tenter de coller à la roue du champion du monde et d'Europe du contre-la-montre n'était pas une bonne idée. Alors il s'est résolu à jouer le bronze, a attendu la dernière difficulté, et a fini par faire craquer Christian Scaroni, l'un des meilleurs punchers actuels, et Juan Ayuso, qui a déjà connu le podium en Grand Tour, pour aller se parer de bronze. Rien que ça. 

Le parallèle évident avec Pogačar

Forcément, après une telle performance, on voudrait connaître les limites d'un tel potentiel. Un coureur de 19 ans qui semble avoir un sacré panache, un grand sens de la course, et aussi du talent contre-la-montre, le point de comparaison est tout trouvé : Tadej Pogačar lui-même.

Comme Seixas, le Slovène s'est d'abord fait remarquer en remportant le Tour de l'Avenir. C'était en 2018, et un an plus tard, pour sa première saison complète chez les séniors en World Tour, il explosait lors du Tour d'Espagne, remportant trois étapes pour terminer troisième au classement général. Avant de confirmer en remportant le Tour de France en 2020...

Bien évidemment, la France du vélo, celle qui ne regarde que le Tour de France, ne rêve que de cela. Ce coureur complet doit être le successeur de Bernard Hinault, doit être le premier Français à remporter le Tour de France depuis 1985, c'est déjà écrit. Néanmoins, il convient de préciser un peu mieux le contexte. 

Si Pogačar a remporté la Grande Boucle en 2020, c'est d'abord grâce à son talent, mais surtout parce que Primož Roglič s'est totalement désuni sur le dernier contre-la-montre alors que la victoire finale lui semblait promise. Et là est la principale différence : Pogačar avait des grands coureurs face à lui, mais pas un ultra-dominateur comme il l'est actuellement. Et pour Paul Seixas, gagner de grandes courses dans les prochaines années, cela voudra probablement dire battre le Slovène... 

Des qualités évidentes, de quoi voir loin

Néanmoins, il y a évidemment la possibilité de se bâtir un palmarès. On a cru comprendre que son équipe, Decathlon AG2R La Mondiale Team, allait certainement l'aligner sur un Grand Tour l'an prochain, mais en Italie ou en Espagne, pas en France. Logique, la pression serait folle dans l'Hexagone au vu de ses performances, et pour une première fois sur trois semaines de course, il vaut mieux s'exiler. On en saura certainement beaucoup plus sur son potentiel après ce premier Grand Tour. 

On a vu ses qualités en montagne : deux fois deuxième d'une étape sur le Tour des Alpes, et surtout huitième au général du Critérium du Dauphiné. On connaît son talent contre-la-montre, puisqu'il était champion du monde juniors de l'exercice l'an dernier. Aucun doute, il est destiné aux courses par étapes. Mais comme on le voit avec un certain Slovène ou un autre Belge, cela n'empêche pas de viser des grandes courses d'un jour. 

Bien sûr, on se demande s'il est assez mûr pour griller les étapes et postuler directement à la victoire sur des courses World Tour. Pour s'en convaincre, il suffit de tracer ses dernières déclarations. Après sa 16e place sur le contre-la-montre des Mondiaux, il ne se cachait pas au micro de France 3.

"Je sais très bien que j'ai été nul. C'est à des années-lumière de ce que je fais à l'entraînement, encore plus en course. C'est forcément une déception, j'étais là pour apprendre et j'espère faire honneur au maillot les prochaines fois."

Après la course en ligne des Mondiaux, le discours avait déjà évolué au micro d'Eurosport.

"Je suis vraiment content d'avoir fini. C'était tellement dur à la fin. Quand tu n'as plus rien, c'est tout dans la tête. Ça nous servira d'apprentissage pour la suite. À la fin, j'ai essayé de m'accrocher et de tout donner pour un Top 10. Je n'ai pas réussi, mais je n'arrive pas avec des coureurs inconnus. Je suis rarement arrivé à un stade de souffrance comme ça. C'était peut-être la course la plus dure de ma vie. J'ai passé un cap."

Un changement d'attitude matérialisé par ce fameux cap qui semble avoir été franchi ce dimanche, au micro de La Chaîne L'Équipe

"C'est incroyable, j'avais les meilleures jambes de ma vie aujourd'hui. Quand j'ai essayé de suivre Remco (Evenepoel) et Tadej (Pogačar) dans le Val d'Enfer, je me suis dit, on tente le tout pour le tout, cette fois-ci j'essaye de suivre pour voir un peu ce que c'est."

Capacité d'analyse après un échec + lucidité sur son niveau du jour + pas de peur de suivre les meilleurs = le cocktail parfait pour un futur champion. On en attend plus, notamment dès le Tour de Lombardie samedi prochain, mais une chose est sûre : la France du cyclisme tient son plus grand potentiel des dix dernières années. Reste à savoir ce qu'elle fera de Paul Seixas...