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Les Mondiaux au Rwanda : "un début plutôt qu'une finalité", selon l'UCI

Jacques Landry en novembre 2020.
Jacques Landry en novembre 2020.MICHAEL BRADLEY/Getty Images via AFP

Les Championnats du monde au Rwanda marquent "un début plutôt qu'une finalité" pour le cyclisme africain, estime dans un entretien à l'AFP Jacques Landry, directeur de la formation et du développement à l'Union cycliste internationale (UCI).

Le Canadien se trouve actuellement au pays des mille collines, où débutent les Mondiaux dimanche, pour encadrer un camp de préparation auquel l'UCI a invité des athlètes juniors et espoirs des 54 fédérations nationales africaines, un garçon et une fille par pays.

Il supervise aussi depuis trois ans des jeunes espoirs africains dans un centre d'entraînement en France dans le cadre du projet Afrique 2025 élaboré par le Centre mondial du cyclisme pour préparer ces Mondiaux.

QUESTION : Que représentent pour le continent ces premiers Championnats du monde en Afrique ?

RÉPONSE : "Pour avoir fait le Tour du Rwanda à plusieurs reprises et où c'est blindé de monde dans le mur de Kigali, ça va être fabuleux, spectaculaire. Ça devrait motiver non seulement les jeunes et les athlètes, mais aussi les autres fédérations et gouvernements africains à vouloir mettre plus d'argent dans le vélo. On voit déjà qu'il y a un grand engouement dans certains pays. Le Bénin, par exemple, est très actif. Je ne vois pas ces Championnats comme une finalité, mais comme un début."

Q : Les jeunes que vous encadrez vous en parlent souvent ?

R : "Pour certains, ça fait trois ans qu'ils attendent cette opportunité-là de faire valoir leurs qualités, de montrer les couleurs de leur pays. On verra un peloton avec des couleurs de maillot qu'on n'a pas l'habitude de voir. C'est bien."

Q : En 2022, vous avez lancé le programme Afrique 2025. Êtes-vous satisfait du résultat ?

R : "L'idée était de préparer des jeunes athlètes africains pour ces Championnats du monde en leur donnant des opportunités de courir sur le territoire européen. Cela leur a permis d'apprendre le placement dans le peloton, de prendre les bons virages. On a vu certaines progressions, comme la Rwandaise Jazilla Mwamikazi qui a fait le Tour de l'Avenir. On sait bien que tous ne vont pas continuer dans le vélo, mais ils peuvent contribuer d'une autre manière, comme devenir des entraîneurs par exemple."

Q : Quels sont les principaux freins au développement du cyclisme en Afrique ?

R : "Le frein, c'est le vélo. Si on fait la comparaison avec l'athlétisme, où on trouve beaucoup de Kényans, d'Érythréens et d'Éthiopiens, leur outil de travail, c'est une paire de pompes. L'outil de travail en cyclisme, c'est le vélo. Un athlète a beau avoir beaucoup de talent au niveau physiologique, s'il n'a pas le bon équipement... Ça agrandit le gouffre avec les autres pays. L'autre complexité, c'est que le calendrier de courses africain a diminué."

Q : Que peut-on faire concrètement pour changer cela ?

R : "Au Rwanda, par exemple, on a aidé à mettre en place une série de courses pour les jeunes, la Youth Racing Cup. Ça a commencé avec trois ou quatre courses par an. C'est monté à treize qui attirent plus de 350 jeunes. Ça réactive un peu les fédérations et les clubs. Il y a entre 13 et 15 clubs au Rwanda. Maintenant, ils ont tous au moins cet objectif. Et à travers ces courses, on a pu les équiper avec un système de chronométrage, former des mécaniciens, des commissaires... C'est beaucoup d'efforts au début, mais une fois que c'est lancé, ça prend de la vitesse."

Q : Biniam Girmay, qui est passé par le Centre mondial du cyclisme, est l'un des rares Africains à briller dans le concert international. C'est un modèle pour vos jeunes ?

R : "C'est certain. Depuis trois ans, on a une entente avec ASO pour que les athlètes d'Afrique 2025 viennent sur une étape du Tour de France. Et tous les ans, c'est un passage obligatoire au bus de l'équipe de Biniam. Il inspire beaucoup d'athlètes africains et il joue le jeu aussi. Il redonne énormément. C'est un très bon ambassadeur."

Q : Est-ce qu'on verra plusieurs Biniam Girmay dans le peloton dans les années à venir ?

R : "C'est l'idée, à la fois chez les hommes et chez les femmes. Le peloton féminin, on voit qu'il prend de l'ampleur, mais c'est un peu à l'image du peloton masculin. Il n'y a pas beaucoup de femmes africaines non plus. On a l'espoir. Je n'ai pas une boule de cristal, mais on met tout en œuvre pour que ça arrive."