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Comment l'Olympique de Marseille est devenu un club insupportable ?

Pablo Longoria et Roberto de Zerbi en juillet 2024
Pablo Longoria et Roberto de Zerbi en juillet 2024CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Le combat de boxe improvisé entre Adrien Rabiot et Jonathan Rowe et ses conséquences constituent le dernier épisode de la vie d'un club qui se complaît dans les clichés liés à Marseille, comme si le tumulte était une composante indépassable de l'OM dont le dernier titre de champion de France remonte à 2010. La méthode ne fonctionne pas et exaspère de plus en plus des supporters qui ont aussi, pour partie, leur responsabilité dans la situation.

La question s'est sérieusement posée : fallait-il inclure un combat entre Adrien Rabiot et Jonathan Rowe dans notre rubrique hebdomadaire Jeudi Boxe ? Une baston manifestement très violente en deux rounds dans un vestiaire de football, Dana White et Eddie Hearn n'ont qu'à bien se tenir : si l'Olympique de Marseille veut gagner un peu d'argent, il peut lancer sa propre organisation pugilistique sans aucun problème. 

Punching boules

Trève de galéjade. L'image du club est à nouveau entachée et si les deux joueurs sont évidemment à blâmer, difficile de ne pas incriminer l'ensemble du club pour ce débordement qui fut le seul aperçu à Rennes vendredi soir lors d'une défaite peu flatteuse en supériorité numérique mais qui ne méritait pas une telle conclusion. 

Entre un entraîneur qui parle plus de parties génitales que de tactique, des dirigeants qui recrutent et revendent à tour de bras et placent leurs propres joueurs dans des situations psychologiques délicates, la cocotte-minute a fini par exploser et toutes les belles déclarations d'intention d'avant-saison ont volé en éclats. 

Si d'un point de vue comptable, la saison précédente a été une réussite, sur le plan du jeu en revanche, le tableau était loin d'être une toile de maître. Roberto de Zerbi a beau disposer d'une certaine cote de popularité (la fameuse "carte" qui permet de s'en sortir parfois en dépit du bon sens), les contenus des matches ont rarement été brillants, bien loin des attentes qu'il avait pu susciter en arrivant à Marseille

Les discours martiaux n'ont qu'un temps. Aucun grand entraîneur digne de ce nom ne parle de testicules, probablement car ce sont encore les pieds et la tête qui font marquer des buts. Mais dans la démagogie, quand "mouiller le maillot" ne suffit plus, il faut descendre un cran plus bas pour évoquer la virilité indispensable pour réussir trois passes consécutives ou plus d'un centre sur trente. Et quand cette virilité s'exprime dans sa version la plus rudimentaire, le Mister prend peur au lieu de s'en enorgueillir après avoir exacerbé ces instincts les plus primaires. 

Fuite en avant à tous les niveaux

Au-delà de ces exhortations à les poser sur la table, ce qui n'est déjà pas bien hygiénique, cela témoigne de l'extrême tension qui règne à l'OM depuis de nombreux mois. Il ne faut par exemple pas oublier que Mehdi Benatia a publiquement tiré à boulets rouges sur Jonathan Clauss, sans raison particulièrement éloquente car si le latéral droit ne réalisait pas sa meilleure saison, il n'était assurément pas le problème principal de l'effectif de l'époque. La séquence s'était accompagnée de remontrances assez salées à l'égard des journalistes de L'Equipe. Depuis, cette manière de fonctionner s'est essentiellement cantonnée à l'intérieur de la Commanderie, mais le faisceau de présomption est bien trop important pour ne pas admettre que quelque chose ne tourne pas rond sous la présidence de Pablo Longoria

Il y a le recrutement de Mason Greenwood puis celui de Facundo Medina, tous deux impliqués dans des affaires de violences conjugales, la collaboration du club avec la King's League via le Wolfpack d'Adil Rami, loin d'avoir une réputation immaculée et même viré du club pour faute grave à l'époque de Jacques-Henri Eyraud pour avoir participé sans l'accord du club à... Fort Boyard. Et puis il y a la gestion humaine des joueurs comme Chancel Mbemba, celle concernant les salariés du secteur administratif qui tournent encore plus vite que l'effectif avec des retours d'expérience guère réjouissants. La saison dernière, il y a aussi eu les tensions entre Ali Zarrak et Jean-Pierre Papin, l'éviction de Fabrizio Ravanelli au moment du "ritiro" à Rome, les crises de paranoïa constantes, la suspension de Benatia, la craquante de Longoria sur la supposée corruption des arbitres du championnat. 

Tout cela ne pouvait qu'aboutir au triste spectacle qui se joue depuis vendredi, le simple résultat prévisible de ce tourbillon permanent entretenu aussi par des supporters qui exècrent les clichés sur Marseille mais s'y complaisent tout aussi bien. Rappelons que ce sont des supporters qui ont mis un coup de pression à Longoria en septembre 2023 et ainsi provoqué le départ de Marcelino, coach invaincu, ce qui a précipité une saison catastrophique avec notamment Gennaro Gattuso, autre grand chantre des discours à base de testicules. Rappelons le triste épisode du caillassage du bus de l'OL qui a failli coûter un oeil à Fabio Grosso. Rappelons aussi que lors de la présentation de Greenwood, un journaliste avait vu sa question censurée avant d'être traqué sur les réseaux sociaux. Pour avoir un jour fourché en direct, Giovanni Castaldi vient de recevoir le même châtiment juste après l'officialisation de sa venue à Ligue 1+. En ce qui concerne le terrain enfin, rappelons qu'Elye Wahi a été pris en grippe dès son premier match au Vélodrome et ne s'en est jamais remis.

Ce dernier épisode n'est que la dernière manifestation d'un ensemble de choses qui ne vont pas, à tous les niveaux. Très discret pour le moment, Frank McCourt va-t-il siffler la fin de récréation tandis que sa présence est annoncée pour la réception du Paris FC ce samedi ? Plutôt que de réclamer des entraîneurs et des dirigeants "volcaniques", pour reprendre un terme à la mode pour manier les clichés les plus éculés, il serait plus juste de rechercher la sérénité, ne serait-ce que pour garder un effectif structuré pendant plus de 6 mois.