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Ne pas passer sous silence la carrière de Diana Taurasi, meilleure joueuse de l'histoire

Diana Taurasi, une légende s'en va.
Diana Taurasi, une légende s'en va.Christian Petersen / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

À 42 ans, Diana Taurasi a annoncé sa retraite la nuit dernière. Une carrière mirifique, un palmarès long comme le bras qui peut faire qu'on lui confère le statut de GOAT de son sport. Mais surtout, une pionnière, dont il faudra se souvenir dans une époque qui oublie trop facilement ses légendes.

Par où commencer ? Par la fin. Par une phrase. "I just didn’t have it in me." Pour le fameux magazine TIME, Diana Taurasi a expliqué d'abord en une phrase pourquoi elle prenait la décision de mettre fin à sa carrière. "I’m full and I’m happy", des arguments parfaitement entendables pour une joueuse de 42 ans à la carrière incroyable. 

Pour ceux qui ne suivent pas la WNBA, meilleur championnat féminin de basket du monde, ou pour ceux qui ignorent tout simplement son existence, Diana Taurasi, c'est une carrière longue de plus de 20 ans, et un palmarès extraordinaire. 

Les grandes lignes sont déjà incroyables.
Les grandes lignes sont déjà incroyables.Flashscore

Et encore, on n'a mis que les plus glorieux, histoire de ne pas faire un article qu'avec son palmarès. Mais aussi impressionnant soit-il, ce n'est qu'une partie de l'histoire de cette joueuse. "J'ai un bilan. Ce n'est pas à moi de le noter" explique-t-elle avec une modestie qui ferait presque oublier qu'elle est sans nul doute la plus grande joueuse de tous les temps. 

Mais aussi une joueuse qui a joué un rôle incroyable dans l'ascension de la WNBA. Car on a souvent tendance à l'oublier, ce n'était pas gagné pour la version féminine de la NBA à sa création en 1996. Huit équipes, dont quatre n'existent plus et une relocalisée, un démarrage compliqué, des doutes sur la pérennité d'un tel championnat à une époque où tout ce qui touchait de près ou de loin au sport féminin était vu comme un échec prévisible. L'argent, encore et toujours le nerf de la guerre.

Pour survivre, un sport, peu importe lequel, a besoin d'icônes. C'est là que Diana Taurasi entre en scène. Arriver précédée d'une flatteuse réputation est une chose, confirmer qu'on est une star en est une autre. Quand elle a été draftée par le Phoenix Mercury, elle sortait d'un triplé rare en NCAA, qui lui conférait un crédit énorme et une aura du calibre de Cheryl Miller, le nom le plus connu du basket féminin avant la création de la WNBA. 

Et pendant 20 ans, elle va prouver qu'elle était à la hauteur de sa réputation, mais pour ce faire, la WNBA ne suffisait pas. D'ailleurs, elle était sans doute trop petite. Logique pour une ligue qui ne dure "que" quatre à cinq mois par an, alors direction le monde en parallèle de ses exploits dans son pays. La Russie et la Turquie, les deux Championnats les plus compétitifs du Vieux Continent, deviendront son terrain de chasse préféré, avec pas moins de 8 titres nationaux, mais surtout six sacres en Euroleague. 

Une compétition qui n'a sans doute jamais connu aussi grande domination que celle de "The White Mamba", surnom glissé par un certain Kobe Bryant (tout le monde aura compris pourquoi ce nickname), les deux partageant en outre le fait de n'avoir connu qu'une seule franchise américaine en 20 ans de carrière. En Europe, elle a réalisé des performances incroyables, contribuant là encore à l'essor de l'Euroleague en patronne. Et laissant un souvenir impérissable. 

Mais le monde, c'est surtout les Jeux Olympiques. Et de ce point de vue là, pas la peine de faire de détours : Diana Taurasi est l'athlète la plus titrée de l'histoire en matière de sports collectifs. De 2004 à 2024, elle sera de toutes les campagnes de l'invincible Team USA, qui a raflé à Paris l'été dernier son 8e titre d'affilée ! Certains argueront du fait que son rôle sur la dernière campagne était minime et qu'elle n'était là que pour battre le record. La première partie de la phrase est vraie, car il aurait été dommage que cette constellation de stars dépende d'une joueuse de 42 ans. 

La deuxième en revanche... La WNBA est le meilleur championnat du monde, bardé de joueuses exceptionnelles, et le staff a quand même choisi de l'emmener, car sa rage de vaincre, son expérience, son talent, sa mentalité sont des atouts absolument incroyables même pour Team USA. Et en sachant – comme pour les hommes – que la concurrence internationale est toujours plus affutée, le choix s'imposait de lui-même. On ne lui attribuera pas la paternité de la victoire d'un point en finale contre la France, mais une chose est sûre, elle n'était pas venue faire du tourisme. Comme durant toute sa carrière.

Car Diana Taurasi, c'était d'abord une machine, d'une régularité sans faille. 20 saisons en WNBA, 17 à plus de 15 points de moyenne. Et encore, la dernière en date, à 41 ans, a été conclue à 14.9 ! Celle qui avait déjà embrassé le jeu moderne dès son arrivée, est logiquement recordwoman du plus grand nombre de trois points rentrés en carrière (1.447, hormis elle, seule Sue Bird a dépassé les 1.000), mais surtout la meilleure marqueuse de l'histoire de la WNBA.

Une métronome.
Une métronome.Flashscore

10.646 points en carrière, un des records qu'elle possède qui paraissent inaccessibles. Ainsi, Tina Charles, deuxième de ce classement, émarge "seulement" à 7.696 ! Une marge incroyable qui n'est pas qu'un chiffre : c'est un testament de ce que l'Américaine a été capable de faire toute sa carrière. Et on attendra sans doute un moment celle qui viendra égaler ses cinq titres de meilleure marqueuse de la saison. Une scoreuse née, mais pas une "croqueuse", puisqu'elle peut se flatter d'un 49.1% de réussite au tir en carrière. Qui fait mieux ?

Mais comme déjà expliqué, ce ne sont pas que des chiffres. Ce sont aussi des barrières qu'elle a fait tomber. Rater une saison totale pour pouvoir gagner plus de dix fois son salaire annuel WNBA (autour de 100.000$ la saison, le maximum à l'époque) en 2015, sur proposition du club russe d'Ekaterinburg, qui savait la valeur réelle d'un tel joyau. Une décision incomprise à l'époque, alors que désormais, c'est monnaie courante dans tous les sports, et pour des championnats bien moins prestigieux (l'Arabie Saoudite en football n'est qu'un exemple parmi tant d'autres). Le fameux player empowerment vanté pour les hommes ne s'appliquait pas au sexe féminin... 

De quoi ouvrir un débat, avec des résultats clairs : aujourd'hui, toutes les stars de la WNBA gagnent au moins 200.000 $ la saison, la grille de salaires a été repensée, et les chiffres sont toujours en augmentation. Si elle ne l'a pas fait pour ouvrir un débat, force est de constater que tout part de là. Par son nom et ses actes, elle a changé la WNBA, en bien de surcroit. On pourrait parler de son jeu, de son spin move dévastateur, de son stepback three, de sa capacité à dégainer trop vite pour la défense, et aussi de son passing game (4.2 assists de moyenne en carrière), et regarder des highlights pendant des heures. 

Mais s'il ne fallait retenir qu'une seule chose ? Le tir de la victoire aux WNBA Finals 2014 ? Ses 32 points en première période contre Atlanta à 41 ans ? Ses 22 points en un quart-temps en 2006, toujours un record aujourd'hui ? Sa saison à plus de 25 points de moyenne, un total seulement battu l'an dernier par A'ja Wilson ? Ses 10 sélections en All-NBA First Team (14 au total) ? Ses 1.455 points en playoffs, un énième record ?

Sans doute un peu de tout ça. Mais surtout une humilité folle pour une joueuse aussi talentueuse et aussi importante dans l'histoire de son sport. "Mon record de points ou mes six médailles d'or, quelqu'un viendra avec la même envie, la même addiction au basket-ball, et battra ces records. C'est ça le sport. Ce sera amusant à regarder. J'espère que ce ne sera pas pour tout de suite."

Au vu de sa dernière saison, elle aurait pu continuer, encore et encore. Mais elle a su qu'il était temps de partir, et c'est à l'image de sa carrière. Tout le monde ne sera pas d'accord avec le fait de la considérer comme la Greatest Of All Time, et pourquoi pas après tout. Sue Bird, Candace Parker, Maya Moore, et on en passe, la WNBA a produit tellement d'immenses championnes. Mais l'onde de choc provoquée par cette annonce, le regard que l'on peut poser sur sa carrière, la liste de ses accomplissements, et son aura font qu'il est impossible de la laisser partir sans un dernier au revoir. En espérant la revoir autour des parquets, d'une manière ou d'une autre.

Une légende qui s'en va...
Une légende qui s'en va...Flashscore