Le rêve américain anime toujours les basketteurs du monde entier. En France, plusieurs sont ceux qui tentent leur chance aux "States" sans même savoir où cela va finalement les porter. Melvyn Ebonkoli fait partie de ces joueurs ayant décidé de sauter le pas de l'autre côté de l'Atlantique. Là-bas, les choses n'ont pas forcément toujours été faciles, mais son récent transfert à NJIT (New Jersey) laisse place à de nouveaux espoirs. Ceux qui font briller ses yeux et trôner un sourire éclatant sur son visage.
De passage en France avant de repartir pour le pays de l'oncle Sam, le power forward s'est confié à Flashscore et garanti qu'il "a une bonne année en vue". Une récompense après des années de galère, et être passé "de tout en haut à rien".
Il faut dire que la hauteur, cela le connaît. Avec une taille avoisinant les deux mètres, Melvyn Ebonkoli possède un atout important qui a fait de lui une cible pour les recruteurs dès son adolescence. "A 12 ans, je mesurais déjà entre 1,70m et 1,80m. Quand le coach de Trappes a vu ma taille, il a dit qu’il fallait que je fasse du basket. Il a aussi affirmé qu'en deux ans "tout le monde voudrait de moi"". Ce qui n'a pas manqué. Gros travailleur perfectionniste, le Francilien a navigué jeune à travers les promesses des équipes minimes France des Yvelines, la maladie d'Osgood-Schlatter, un arrachement osseux ou encore, les tests de détection de centres de formation.
Pourtant, le même espoir qui vivait en lui subsiste aujourd'hui. Sans jeter un regard attristé sur cette époque compliquée, le joueur se souvient de son état d'esprit. "Quand on est petit, on ne sait pas comment on va arriver en NBA mais on sait que si on est bon, cela va être un levier. Je me voyais déjà loin, je voulais la NBA, c’était mon rêve. Je voulais que l’année d'après soit mon année. J’étais bien, tout s’alignait et cela est arrivé. À 14 ans, ce n'est pas facile. On m’a dit de faire une croix sur le sport de haut niveau". Mais, un sourire vient interrompre son flot de paroles. "J’ai récupéré. Et tout s'est enchaîné."
Grâce à ses performances, à ses forces défensives, il est "vu" par plusieurs clubs professionnels. Parmi eux, Lille, Rennes, Limoges, Levallois, Nanterre, Nancy et Le Mans. Et c'est d'ailleurs du côté de la ville rouge qu'il complète sa formation. "J'ai fait des entraînements avec des U18 et des U21 à 15 ans, je me faisais contrer, mais je faisais la même chose. Je repartais, je marquais, je défendais…".
Mais ce n'est pas seulement pour les bonnes sensations qu'il a choisi Le Mans. Le basketteur l'affirme avec certitude : "Ils avaient un aspect scolaire et sportif, que les autres n’avaient pas. Et c’était vraiment important pour mes parents et moi". Ce qui a constitué pleinement l'autre raison qui l'a poussé à rejoindre les universités des États-Unis plus tard.
Le succès avec la sélection jeunes française
Ses brillantes prestations l'ont propulsé vers les sélections jeunes nationales. "J’ai commencé avec les U17 régions du Mans, mais j’ai joué aussi avec les U18. Je continuais à surprendre. Je faisais toutes les prépas d’été. Je jouais 25 minutes par match. Ce n'est pas tout le monde qui fait cela. Et puis... Un jour, le directeur technique me dit que je suis convoqué pour l’équipe jeunes de France. Cela me tombe dessus. Mais, j'y vais. À la fin du stage, il y avait un tournoi contre la Turquie, l’Espagne et le Monténégro. Moi, j'ai toujours eu cette posture d'underdog. J'ai démarré sur le banc. Je me disais 'okay, je vais me faire éliminer si je ne produis pas de suite. Si on me fait rentrer, je leur prouve tout le contraire de m’avoir sous-estimé'". Ce qui n'a pas raté. Il rentre à la fin du 2nd quart-temps, marque six points et prend huit rebonds en 10 minutes. Le match suivant, il joue rapidement et assure. Là démarre une belle aventure en Bleuets.
"On a fini Champions d’Europe U16 au Monténégro (2017) contre le Monténégro". Compétition qu'il dispute d'ailleurs au côté de Kilian Hayes (MVP). "Moi, je joue juste au basket. Je ne réalise pas. Cela va trop vite. Mais tout le monde est content. Cela faisait longtemps que l'équipe de France n'avait pas gagné un Championnat d’Europe. Là où je me rends compte des choses, c’est quand je reviens au Mans. J’allais avoir 17 ans. Je reçois un message du directeur technique des pros. Il me dit que je vais m’entraîner avec les Espoirs (U21). Tout le monde m’acclame. Pour moi, je suis le même Melvyn. Et tout le monde, le reste de tout le staff, vient me voir et me félicite. Et là, je vois que je suis passé à un autre statut. Tout le monde me connaît. Il y avait même des flyers avec ma tête dessus (rires)".
La voie semble dégagée et tout roule pour lui. Il est rappelé en équipe de France pour disputer les Championnats du monde en Argentine (2018). Les Bleuets avancent jusqu'en finale. Un record pour les équipes jeunes. Ils perdent malheureusement la finale contre les USA. Une belle expérience pour Melvyn Ebonkoli qui préfère retenir cela comme une leçon, et non un échec. "Tu sais que tu vas affronter des joueurs qui, potentiellement, vont être en NBA plus tard", explique-t-il.
Quelques pépins physiques l'empêchent cependant d'aller en U18. "Cela me prive de l’Euro. C’est dur. Je commençais à me poser beaucoup de questions. Je voulais jouer, et toujours concilier tout avec les études. Justement, l'éducation, c’est une garantie pour le reste de la vie. Si on se blesse, si cela ne se passe pas bien, on fait quoi ?". Il refuse donc des propositions professionnelles européennes (Espagne/Italie), ou même celle d'autres clubs français pour privilégier ses études. Aux États-Unis, il pouvait s'améliorer tout en étudiant. "L’Espagne, ça me flattait. Mais, les États-Unis je me disais 'ok, je vais m’entraîner offensivement, ça va m’apporter quelque chose, une confiance, une arrogance'. J’ai une grande palette, mais je me réduisais trop à mes capacités défensives". Son choix s'est donc porté sur les facs d'outre-Atlantique, plus précisément sur une "prep-school", et il s'est envolé pour le Connecticut, à Putnam Science Academy.
L'Amérique : entre rêve et cauchemar
La redécouverte commence. "Là-bas, ce n'est pas pareil qu'ici. C’est le show. Le jeu, c'est tactique. Les salles sont remplies. C'est énorme. Physiquement, c’est différent. Il y a beaucoup de 1 contre 1. Si on te fait la passe, faut que tu crées quelque chose". Des recruteurs s'adressent à lui lors d'"opengyms", mais, l'adaptation est dure. Loin de sa famille, avec un niveau d'anglais "de base", et celui de basket à atteindre, les offres disparaissent. Il opte alors pour une proposition en provenance d'une université dans le Missouri : "Missouri States", où il reste durant l'année covid. Un autre choc culturel.
"J’ai découvert un campus gigantesque. Il y avait aussi beaucoup de documents administratifs à remplir… tout était immense. La prépa n’a rien à voir avec la prep-school. Les gens sont costauds, ça va à 2000 à l’heure. Toi t’arrives, t’es fin… Tu te rends compte que c’est un autre business… J’arrive en tant que freshman (étudiant de première année dans les cursus scolaires aux Etats-Unis, NDLR). C’est rare que la 1re année tu joues. Donc, je ne joue pas. C'est compliqué. En France, tout le monde me connaissait. Ici, aux US, ce n'était pas le cas. Les Championnats d’Europe U20 avec la France arrivaient. Je voulais y aller. Mais, si tu joues pas aux US, comment tu peux prétendre à une place ? Moi je n'avais que les vidéos d’entraînements".
Malgré cela, l’équipe de France le contacte. Là encore, c'est un succès. Il finit Champion de "l'Euro Challenger" avec Ismaël Kamagate et Milan Barbitch. Un contraste saisissant dont il ne peut même pas pleinement profiter.
"A Missouri States, mon coach m'avait dit que je jouerais. Mais, puisque c'était l'année covid, les règles ont changé. L’année ne comptait pas dans les années d’éligibilité universitaires (quatre ans, NDLR). Je me suis dis tant mieux, au vu de ma saison avec eux. Mais, les anciens ont eu une année en plus". Il conserve donc son statut de freshman et son université décide de le "redshirt", c'est à dire, qu'elle décide de ne pas le faire jouer de match officiel pour préserver l'une de ses quatre années d'admissibilité en NCAA.
"Aujourd'hui je les remercie pour cela. Mais, cela a été un moment difficile. Je finis Champion d'Europe, je reviens en pensant que je vais jouer et finalement, je refais la même année en voyant tous les autres avancer. J'ai décidé de me mettre sur le portail des transferts. Sauf que je n'avais pas joué pendant deux ans. J'avais seulement les matchs de l'équipe de France à mettre en avant. Par conséquent, je n'avais que des intérêts". La solution a été de quitter le Missouri pour le Kansas, et la Junior College (JuCo).
Le rêve américain en a pris un coup. Sans les moyens de la D1, les conditions de vie et d'entraînement ne sont pas idéales. Il n'y a rien à faire en ville, sa cafétéria ne propose pas la même variété de nourriture en comparaison avec ce qu'il avait connu auparavant, les vestiaires sont sales et dysfonctionnels, et un seul kinésithérapeute est disponible pour le pôle sport entier.
Encore avec les traits serrés, il souligne qu'il voulait tout faire pour se sortir de cette situation. "J’étais en mode mission. Je me suis conditionné en 'mode tueur'. Ils appellent la JuCo : 'The Jungle', et la jungle, cela n'est pas qu'une réputation. J’ai eu du mal. Il fallait constamment que je tourne en double double. Alors c'est ce que j'ai fait. J'ai carburé. Et dès que cela a été possible, j'ai retrouvé une université : Kansas City."
Son but, néanmoins, était de retrouver une High Major. Mais, rien ne se déroule comme prévu. Une tragédie familiale, notamment, l'empêche de performer correctement. Il rempile pour une nouvelle année (2024/2025). Celle qui lui permet de se relancer.
"J’ai un nouveau rôle. Je suis un cadre, je montre un peu la voie. La saison se passe, mais pas au niveau des attentes. C’est à partir du milieu de saison que j’explose. Je suis sur une bonne lignée. Mon agent me dit que si je me mets sur le portail des transferts, j’aurai des demandes (universités et en Europe, NDLR). Il y a même CBS qui m’appelle pour faire une interview. Je suis sur un nuage. Je ne m'arrête pas. Avec l’équipe, on n'a pas eu les bons résultats, mais j’ai fait ce que j’avais à faire". En toute logique, il étudie les propositions.
Cholet le contacte pour rallier la Pro A en tant que joker médical. Mais "manque de pot, j'ai des fractures de fatigue". En plus de cela, il ne veut pas "se griller" en NCAA..
Grâce aux NIL (name, image, likeness, NDLR), il peut également assurer ses arrières. En effet, si les athlètes universitaires ne sont pas rémunérés, les NIL eux, leur permettent de gagner de l'argent via des sponsors d'images. Alors, il reste encore aux Etats-Unis, malgré les contacts avec des clubs de Pro B française. Et pour choisir correctement, il participe à des visites. Vient enfin la signature pour retourner dans une High Major.
"Je n’avais jamais fait ça à cause du covid, ou même quand je suis allé à Kansas City. Là, c'était le Graal. Une récompense pour tout ce que j'ai eu à faire. J'ai fait une visite à Chicago (NAU), dans le New Jersey (NJIT), et dans l'Etat de Washington. J’ai longtemps réfléchis. J’hésitais entre Washington et New Jersey, et finalement j’ai pris NJIT parce que c'était plus proche de ma famille et les installations étaient incroyables. Le coach me suivait depuis trois ans. Il jouait à ma position quand il était joueur. Le staff m’aimait bien et j’avais enfin un vrai rôle, je pouvais m’imposer offensivement. Académiquement parlant, c’est du très haut de gamme aussi", liste-t-il, rayonnant.
Il ne lui reste plus que deux ans à parfaire et une nouvelle vie à poursuivre sur la côte est. Le tout avec, toujours en tête, une place en NBA. Et si cela ne marche pas "il y aura toujours l'Europe." Les Jeux olympiques 2028 sont également un bel objectif qu'il espère atteindre. "L’équipe de France me fait encore rêver. J’ai fait les jeunes, si je pouvais toucher aux Pros dans trois ans… ", finit-il, contemplatif.