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Thunder - Pacers, le triomphe des petits marchés en finale NBA

Tyrese Haliburton et Shai Gilgeous-Alexander, étendards des petits marchés.
Tyrese Haliburton et Shai Gilgeous-Alexander, étendards des petits marchés.ČTK / AP / Kyle Phillips
Ce sont deux des plus petits marchés de la NBA qui vont se défier en finale. Oklahoma City Thunder contre Indiana Pacers, la preuve que les millions ne font pas tout dans le plus grand championnat de basket du monde.

C'est une simple stat parmi tant d'autre : la luxury tax, destinée à pénaliser financièrement les équipes ne respectant pas le salary cap, a été implantée en NBA en 2003. Et pour la première fois, deux équipes qui n'ont pas été pénalisées par cette taxe se feront face en finale : le Oklahoma City Thunder et les Indiana Pacers

Mine de rien, cela marque un tournant. Certes, il y a eu quelques champions qui n'ont pas eu besoin de payer de taxes (les Warriors 2015 et 2017, les Lakers 2020), ces dernières années, les montants ont explosé. Ce qui est surprenant, c'est que le salary cap n'a jamais été aussi élevé que depuis dix ans, mais cela n'a pas empêché les franchises de s'empêtrer dans les pénalités. 

Pour la première fois de l'histoire, plus de 10 équipes (11 au total) payaient la luxury tax cette saison. Et l'équipe qui en payait le plus était... les Phoenix Suns, avec plus de 150.000.000 de $ ! Savoureux quand on sait qu'ils ne se sont même pas qualifiés en playoffs. Mais plus globalement, un tel essor parait logique à l'heure des superteams. Sauf que... 

... sauf que sur les dix équipes qui ont le plus dépensé en luxury tax depuis sa création, 4 attendent toujours un titre : les Clippers, les Knicks, les Nets et les Suns donc. Les trois premières équipes sont indiscutablement implantées dans les deux plus gros marchés de la ligue - New York et Los Angeles - et figurent dans le Top 8 des franchises à la plus grande valeur. Une énième preuve que l'argent n'achète pas le succès. 

OKC (3.65 milliards) et Indiana (3.6 milliards) sont respectivement 21ème et 22ème de ce classement. Ce sont parmi les plus petits marchés de la NBA. Deux villes qui n'atteignent pas un million d'habitants, deux états loin des côtes, considérés comme "campagnards", et qui la saison passée encore, figuraient parmi les huit pires affluences moyennes de la NBA (les Pacers étaient même avant-derniers). 

Alors, comment ces deux villes, clairement pas attractives pour la free agency, ont-elles pu se hisser en finale ? En faisant ce que tout front office est censé faire : réfléchir. Mais surtout, en prenant des risques sur des transferts pour bâtir autour d'un élément avec le potentiel d'une superstar. 

Quand, en 2022, Indiana sacrifiait Domantas Sabonis pour récupérer Tyrese Haliburton, tout le monde criait à la folie. Pas par la faute du potentiel du meneur, largement annoncé comme un crack, mais par le fait de donner aux Kings un Top 5 pivot NBA. Trois ans plus tard, les Pacers sont en finale, Sacramento végète autour de la 8ème place, et plus personne ne se pose la question. 

Le cas du Thunder est bien plus célèbre : en 2019, OKC envoyait Paul George, alors 3ème du MVP, en direction des Clippers pour récupérer une montagne de picks de draft, mais surtout Shai Gilgeous-Alexander, rookie prometteur dont on pensait qu'il deviendrait une star, mais sans doute pas la superstar et le MVP qu'il est aujourd'hui. Un des plus grands exemples de trade dont le bénéficiaire n'est pas celui annoncé au moment du deal, puisque les Clippers n'ont pas fait mieux qu'une finale de conférence. 

Le management de chaque franchise a misé sur ces deux joyaux pour bâtir une réelle équipe, à coup de décisions raisonnées, et surtout, en insistant sur la complémentarité entre chaque pièce. Le développement des jeunes a été réussi pour les deux équipes, puisque Jalen Williams est all-star à OKC, et des joueurs comme Cason Wallace, Andrew Nembhard, Aaron Nesmith et on en passe sont parfaitement intégrés avec un vrai rôle dans chaque équipe. Du travail de fond qui paye. 

Et qui permet de prendre des risques. Indiana a misé sur Pascal Siakam, vétéran déjà champion, pour apporter une expérience nécessaire de la postseason dans cette équipe jeune. Malgré son gros contrat, c'est une réussite, en témoigne son titre de MVP des finales de conférence. OKC, de son côté, avait surtout besoin de dureté, et a misé gros sur Isaiah Hartenstein à un tarif qui peut sembler énorme pour une production assez faible, mais son apport va au-delà des stats. Et surtout, ce sont deux exemples de transferts pour des joueurs de devoir, de collectif, plutôt que d'ajouter un "nom" et de voir s'il s'intègre. 

Le travail de scout, de réflexion, n'est pas mort : les équipes n'ont pas hésité à prendre des risques, à sacrifier des pièces prometteuses sur le papier (comme Josh Giddey, envoyé à Chicago pour récupérer un Alex Caruso fondamental en playoffs à OKC, ou Buddy Hield, écarté pour faire de la place aux jeunes pousses à Indiana). Peu importe les choix, ils ont toujours été faits dans l'intérêt du collectif. 

Deux jeunes stars capables de fédérer un collectif.
Deux jeunes stars capables de fédérer un collectif.Gregory Shamus / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP // Joshua Gateley / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Mais surtout, ce sont des choix à l'encontre de la tendance actuelle, qui est aux associations de stars, peu importe pourquoi, peu importe comment. Beaucoup de front offices ne parviennent pas à inverser le rapport de force quand ils possèdent une superstar dans leur effectif, et de peur qu'elle ne parte, ils vont en chercher une deuxième, voire une troisième, pour contenter le leader en place. Et tant pis si ça ne marche pas, si ce n'est pas complémentaire. 

Phoenix avec le trio Devin Booker - Kevin Durant - Bradley Beal en est bien évidemment le meilleur exemple, mais rien que dans l'histoire récente, des associations de grand noms ont rarement marché (Russell Westbrook - Paul George - Carmelo Anthony à... OKC justement, ou bien évidemment Kevin Durant - James Harden - Kyrie Irving aux Nets pour le crash le plus récent de ce genre de modèle). La NBA a durci les sanctions pour les propriétaires qui n'ont que faire de payer des taxes, frappant désormais les équipes avec la perte possible de tours de draft par exemple. Pour éviter les déséquilibres trop flagrants ? 

On en doute, car la NBA aime les stars et les gros marchés, ce qui brille. Non, la réussite du Thunder et des Pacers, c'est tout simplement un pied de nez à ceux qui pensent que l'argent achète les titres : un collectif bien construit, qui se donne autant en attaque qu'en défense, et dont le leader magnifie chaque partie, c'est ce qu'on appelle une équipe. Et aux dernières nouvelles, le basket est un sport collectif. Sans doute la meilleure nouvelle que les fans de la balle orange et de NBA pouvaient recevoir...