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Luguentz Dort et T.J McConnell, la revanche des sans-grade en finale NBA

Luguentz Dort et T.J McConnell, discrets mais indispensables.
Luguentz Dort et T.J McConnell, discrets mais indispensables. Joshua Gateley / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP // Photo by Sarah Stier / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP // Flas
La finale NBA entre le Thunder et les Pacers était clairement inattendue, tout comme les parcours de T.J McConnell et Luguentz Dort, entrés par la petite porte en NBA, et désormais en pleine lumière.

La NBA aime les stars, et malgré tout, elle en aura lors de cette finale inédite entre le Oklahoma City Thunder et les Indiana Pacers. Le MVP de la saison Shai Gilgeous-Alexander en tête d'affiche, en duel avec Tyrese Haliburton, l'expérimenté Pascal Siakam face au néo All-Star Jalen Williams, sans oublier Chet Holmgren : des gros noms au programme, quoi qu'on en dise. 

Sauf qu'une équipe n'est pas une équipe sans soldat. Cette finale, inattendue donc, mais terriblement intéressante, oppose deux équipes très bien construites, et qui ont su offrir une place à des joueurs qui n'avaient pas franchi le cut de la draft, mais qui sont rentrés par la fenêtre pour lancer une carrière NBA au prix d'un dur labeur. 

T.J McConnell, repris de justesse

La carrière de McConnell a failli se terminer avant même d'avoir commencé. Plusieurs fois. 

D'une ambition dévorante en université, il joue deux ans pour les modestes Dukes de Duquesne, en Pennsylvanie. Très vite, il en devient un des meilleurs joueurs, dépasse les 10 points de moyenne, mais collectivement, ce n'est pas ça. Alors, décidé à aller au bout de son cursus universitaire, il force la porte des prestigieux Wildcats de l'Arizona. Sauf qu'en NCAA, les règles sur les transferts sont strictes : ce départ l'oblige à passer une saison sans jouer. Law is law. 

À 20 ans, l'addition est déjà salée. Et s'il finira ses deux années de cursus dans l'Arizona, le titre tant convoité n'arrivera pas. Néanmoins, il a montré ses qualités sur une plus grande scène, avec des sélections dans les All-Defensive Teams de sa conférence, ainsi que dans la first team pour son année sénior. Bon défenseur, bon passeur, de quoi intéresser les scouts à la draft ?

Bien sûr que non. Un meneur de 1.84 mètre, en 2015, dans une NBA toujours plus axée sur les gabarits, pas la peine de demander. Personne ne le sélectionnera, mais pas de quoi décourager un mental d'acier. Direction la Summer League, les matchs obscurs du mois de juillet, où il va accomplir un miracle. Pas forcément par ses stat', mais par son activité, sa défense, son côté multitâches, ce qui lui vaudra d'aller chercher, au mérite, le tout dernier spot disponible dans le roster des Philadelphia 76ers. 

Une saison 2025 dans les standards.
Une saison 2025 dans les standards.AFP / EnetPulse

10 ans plus tard, passé depuis aux Pacers, il est toujours là, alors qu'il n'a dépassé qu'une seule fois les 10 points de moyenne en carrière. La NBA veut toujours plus d'attaque, alors comment ? En trouvant une utilité, un rôle. Celui du discret meneur en sortie de banc, qui se contentera d'une quinzaine de minutes, mais qui profitera de ce temps pour tout donner. 

Et ce rôle mineur ne l'a pas empêché de laisser sa trace dans la NBA. Il détient, par exemple, le record d'interceptions en une seule mi-temps (9). Il est aussi le seul joueur avec un triple double points/passes/interceptions en sortie de banc. De quoi se faire une réputation.

Mais son apport, sa dureté, elles sont souvent appréciées en playoffs. Les louanges de son coach Rick Carlisle, après un game 2 de finale de conférence pourtant on ne peut plus ordinaire en termes de stat', mais d'une intensité folle du meneur. De quoi susciter l'admiration du head coach. "À cette période de l'année, il faut jouer avec une certaine attitude. C'est un défi. C'est en quelque sorte ce qui a défini les dix ans de carrière de TJ en NBA". On n'aurait pas dit mieux. 

Luguentz Dort, de la G-League à la All-Defensive Team

Luguentz Dort est aujourd'hui le troisième joueur le mieux payé du Thunder, meilleure équipe de la saison régulière, après six ans de présence. 

La différence majeure avec son adversaire, c'est que lui était précédé d'une flatteuse réputation dans les catégories de jeunes, ayant notamment été élu MVP du All-Star Game des meilleurs lycéens canadiens. La décision était déjà prise : contrairement à McConnell, il allait faire "one and done" en université. Et ce serait à Arizona State. 

Une université reconnue, même si elle n'a jamais gagné le titre NCAA. Le Canadien y livrera une saison de qualité, avec plus de 16 points de moyenne. Une belle réputation, un potentiel physique élevé, une défense de qualité... pourtant, à la stupéfaction générale, il ne sera pas drafté en 2019. Pourquoi ? Peu importe.

Une importance qui va au-delà des stats.
Une importance qui va au-delà des stats.AFP / EnetPulse

OKC tente le coup avec un two-way contract, et l'envoie faire ses gammes en G-League. 11 matchs à 19 points de moyenne plus tard, il intègre le Thunder avec un petit contrat, certes, mais une place dans la rotation qui ne cessera d'évoluer. Car s'il a encore toujours aujourd'hui quelques limitations en attaque, il y a un domaine où il force l'admiration : la défense. 

Loué dans ce secteur de jeu depuis plusieurs saisons, il a ainsi collé avec la nouvelle identité de l'équipe depuis sa reconstruction... en 2019. Un heureux hasard. Mais depuis, tout est différent : un contrat de 5 ans à 87 500 000 $ à l'été 2022 pour assurer pour de bon sa place dans la grande ligue, et cette saison, la récompense : une sélection dans la All-Defensive First Team

Désormais respecté, craint même, le Canadien est indiscutable, désormais titulaire auprès de Shai Gilgeous-Alexander sur le backcourt. Et sera sans nul doute le chien de garde attitré pour surveiller Tyrese Haliburton en finale. Une sacrée ascension pour un joueur dont personne ne voulait...

Deux garants de l'identité de leur équipe

OKC a clairement une identité défensive. De très loin, le Thunder possède le meilleur "défensive rating" de ces playoffs, et c'était déjà le cas en saison régulière, tout comme elle est la seule équipe dans les deux cas à dépasser les 10 interceptions par rencontre. Une force défensive qui a fait des ravages dans ces playoffs, puisque seul Nikola Jokić, un des trois meilleurs joueurs du monde, a réellement réussi à faire trembler les hommes de Marc Daigneault. Et Luguentz Dort, véritable pitbull défensif, est le pilier de cette fameuse intensité nécessaire pour un tel défi. 30 minutes par match à essorer le meilleur attaquant adverse pour prouver, match après match, qu'il est à sa place. 

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Les Pacers, eux, sont une équipe clairement axée sur le collectif. Logique avec un des trois meilleurs passeurs de la NBA en leur sein. Tyrese Haliburton magnifie le travail de ses coéquipiers, et il peut compter sur T.J McConnell pour prendre le relais. Voire pour l'aider par séquences, afin de contribuer à maintenir Indiana comme une franchise petite mais costaud, qui compte sur son réservoir et son développement pour se maintenir au sommet. Et qui, depuis six ans, maintient sa confiance à un joueur dont personne ne voulait dix ans en arrière. 

Une équipe, ce n'est pas que deux ou trois stars. C'est une alchimie qu'ont réussi à trouver ces deux franchises. Certes, T.J McConnell et Luguentz Dort ne seront jamais des stars, mais ils demeurent sans nul doute le ciment indispensable à une affaire qui roule. Des joueurs précieux, qui ne tireront pas la couverture à eux, mais qui feront leur travail sans broncher, et de leurs performances dans les prochains jours dépendra une partie de la réussite de leur équipe, et donc, de l'attribution du plus précieux des biens : le Larry O'Brien Trophy