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Signe de son état actuel, l'athlétisme français se contentera d'une médaille aux Mondiaux

Marie-Julie Bonnin sauvera-t-elle l'athlétisme français une deuxième fois ?
Marie-Julie Bonnin sauvera-t-elle l'athlétisme français une deuxième fois ?Cameron Spencer / GETTY IMAGES ASIAPAC / Getty Images via AFP
L'athlétisme français n'a pris qu'une médaille lors des quatre dernières grandes compétitions mondiales, et si elle fait de même pour les Championnats du monde 2025 à Tokyo (15-23 septembre), le contrat sera rempli. Un objectif bien funeste cependant.

Il est loin, le temps des Jeux Olympiques de Rio en 2016. L'équipe de France d'athlétisme y avait raflé pas moins de six médailles. Aucune en or, certes (le dernier titre olympique remonte à Londres avec Renaud Lavillenie), mais la fameuse densité française mise en avant, avec des podiums en course (Christophe Lemaitre, Dimitri Bascou, Mahiedine Mekhissi-Benabbad), en saut (Lavillenie), en lancer (Mélina Robert-Michon) et en décathlon (Kevin Mayer). 

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Neuf ans plus tard, l'athlétisme français avance vers les Championnats du monde de Tokyo avec des objectifs bien moindres. Et pour cause, il n'a ramené qu'une médaille des Jeux Olympiques 2021 (l'argent pour Kevin Mayer en décathlon) des Mondiaux 2022 (l'or pour le même Mayer), des Mondiaux 2023 (l'argent pour le relais 4x400 mètres masculin) et des Jeux Olympiques 2024 (l'argent pour Cyréna Samba-Mayela sur 100 mètres haies). 

Pas grand-chose en vue

Première constatation : Mayer n'est pas là, et Samba-Mayela non plus. La sélection française est fournie, avec pas moins de 74 athlètes qui ont fait le voyage au Japon. Mais on a beau retourner cette liste dans tous les sens, on ne voit que très peu de chances de médailles, et le mot est faible. 

Un observateur non averti viendrait d'abord rappeler que la France dispose d'une championne du monde en titre. Marie-Julie Bonnin a en effet été sacrée cet hiver en salle, après avoir raflé l'argent européen. Mais, 1- ce n'était pas l'objectif des Reines de la discipline avec des Mondiaux en plein air sur la même saison, et 2- elle s'est imposée avec 4.75 mètres, battant son record, mais avec une telle hauteur, elle aurait terminé sixième des Jeux Olympiques 2024 et cinquième de Mondiaux 2023. 

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Autre cartouche : Azeddine Habz. Quand on court 3:27.49 sur le 1.500 mètres (le record du monde est toujours la propriété d'Hicham El Gerrouj avec 3:26.00), on peut légitimement prétendre à une médaille. Néanmoins, ce n'est pas réellement un coureur de Championnats, comme en témoignent sa 11e place aux Mondiaux 2023 et son élimination en demi-finales aux JO. 

Citons enfin Jimmy Gressier, qui a battu cet hiver plusieurs records de France et même d'Europe. Sauf que lui non plus n'a jamais réellement brillé en courses de Championnat, ce qui semble être un mal français. Louise Maraval (400 m haies) et Gabriel Tual (800 m haies) étaient eux finalistes olympiques, mais au vu de la densité de leur discipline, difficile d'y croire.

Toujours une certaine densité

Un néophyte dirait ensuite : la France a fait pas moins de 16 médailles aux Championnats d'Europe 2024. Là encore, à deux mois des Jeux Olympiques, la quasi-totalité des cadors avait fait logiquement l'impasse pour se concentrer sur Paris. Et ironiquement, c'est un indiscutable signe de recul de l'athlétisme : lors des Championnats d'Europe 2018, la France avait fait 10 médailles, mais tout le gratin de l'athlétisme continental était présent, et les Bleus avaient tiré leur épingle du jeu. 

Néanmoins, cette fameuse densité, on peut la voir à la placing table. Il s'agit d'un classement en fonction des Top 8 (places de finalistes donc) dans une même compétition, et aux derniers Jeux Olympiques, la France avait terminé en 12e position. Ce qui veut dire que la densité est malgré tout présente. 

Mais ce manque de résultats malgré la densité n'est pas que l'apanage des séniors. Lors des derniers Championnats du monde juniors, en 2024, la délégation française, là encore, n'est rentrée à la maison qu'avec une seule médaille. En or, certes, pour Méta Tumba sur le 400 mètres haies. Mais qu'importe, le problème reste le même dans les deux catégories d'âge : où sont les stars ? 

La suite ? Pas forcément heureuse

En 2003, la France organisait les Championnats du monde à Paris, et avait terminé la compétition avec 8 médailles. C'était (et c'est toujours) le meilleur total de son histoire, mais il avait été égalé dès l'édition suivante, en 2005 à Helsinki. Et seules Eunice Barber et Manuela Montebrun avaient raflé au moins une médaille sur ces deux éditions (en plus de Christine Arron, médaillée en relais en 2023 et en individuel en 2025). Entre les deux ? Une édition hideuse des Jeux Olympiques en 2024, avec deux misérables médailles de bronze. 

Un échec olympique qui était largement pardonné au vu des performances aux Mondiaux. Mais voilà, l'athlétisme français est incapable de performer sur la durée. Après les six médailles de Rio en 2016, les Bleus en ont ramené cinq des Mondiaux 2017, dont trois titres pour égaler le record de médailles d'or établi en 2003 ! Et encore, sur cette édition, la troisième n'est tombée que des années plus tard, quand le relais 4x400 mètres hommes américain a été disqualifié pour dopage d'un de ses membres. 

Mais voilà, quand on remonte à l'édition 2003 des Mondiaux - la seule qui ait eu lieu en France - elle a fait croire que l'athlétisme français faisait partie du gratin mondial. Comment penser cela alors que la médaille d'or de Renaud Lavillenie à Londres est le seul titre olympique français en athlétisme au XXIe siècle ? 

Il faut remonter à Stuttgart 1993 pour trouver une édition des Mondiaux sans médaille française. Et pourtant, il y avait Marie-José Pérec, Stéphane Diagana, Jean Galfione et autres, tous les grands noms de l'athlétisme français de la fin de siècle. Trois ans plus tard, les Bleus décrochaient trois titres olympiques à Atlanta. Ainsi va l'athlétisme tricolore, dont l'histoire est jonchée de creux et de bosses. Mais cette mauvaise passe semble partie pour durer. À moins d'un sauveur inattendu, mais il en faudrait plusieurs. La quadrature du cercle. 

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