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110 mètres haies, une vraie tradition française

Sasha Zhoya a remporté le titre national en juillet dernier à Albi.
Sasha Zhoya a remporté le titre national en juillet dernier à Albi.Profimedia
Depuis plus d'un demi-siècle, la France rayonne sur le 110 mètres haies. De Guy Drut à Sasha Zohya, la discipline est devenue une tradition tricolore.

Les haies, c'est français ! À l'image du décathlon et de la perche, le 110 mètres haies est une des disciplines de prédilection de l'athlétisme hexagonal. L'avènement de Guy Drut, ancien décathlonien et doté d'un record de 5,20 m à la perche, a initié un cercle vertueux sur cette exercice si spécifique, tant la technique est prépondérante dans cet art si particulier du franchissement. 

Droit au Drut

L'héritage de Drut dépasse son immense palmarès, son titre olympique à Montréal en 1976 après l'argent à Munich 4 ans plus tôt ou ses trois records du monde (2 avec chronométrage manuel et 1 électrique). Son passage à la postérité a été rendu possible grâce à la télévision, visible en couleurs depuis le début des années 70, ainsi qu'avec le documentaire "13 seconds", une sorte de Bible pour tout "hurdler" qui se respecte, avec des images d'une grande beauté où on peut notamment décrypter les passages en 4 foulées de Drut.

La course pour l'or de Drut est un modèle technique et elle sert de maître-étalon pour tous les successeurs qui deviendra un membre très influent du CIO avant de tomber en disgrâce. Son successeur Stéphane Caristan qui fut champion d'Europe en 1986 et recordman d'Europe en 13"20 expliquait à l'AFP en 2018 que la victoire du Nordiste au Canada demeurait une référence : "je revois encore sa course aujourd'hui. C'est un vrai moment. Mon entraîneur de l'époque, Jacques Piasenta, avait aussi été son entraîneur pendant un moment". De grands coaches (Piasenta a révolutionné la foulée de Marie-José Pérec et mené Christine Arron au titre européen sur 100 mètres en 1998) et de grands athlètes : ce fil d'Ariane presque vieux d'un demi-siècle ne s'est jamais rompu, initié par Marcel Duriez, 6ᵉ des JO 1964, 7ᵉ en 1968 et médaillé de bronze aux championnats d'Europe en 1966 à Budapest (un signe pour cette année ?). 

"On a de bons techniciens et on sait s'entraîner, expliquait Caristan. À la fin des années 1990, on s'était réunis avec les cadres techniques en Ile-de-France pour repenser le contenu des formations sur les haies hautes, ce qui a fait école. Il y a une transmission du savoir technique, une vraie culture. La tradition française des haies hautes, ce sont des entraîneurs qui se côtoient, qui échangent, qui eux aussi étaient athlètes et qui forment par rapport à leur histoire. Ils se sont appropriés les fondamentaux et ont ensuite utilisé les moyens à disposition de l'athlète pour qu'il puisse s'exprimer au mieux."

Zhoya entraîné par Doucouré : la persistance d'un modèle vertueux

Cette lignée ne se dément pas encore aujourd'hui avec Ladji Doucouré, champion du monde en 2005 à Helsinki et désormais entraîneur de Sasha Zhoya dont le choix de la nationalité sportive (il est né et a grandi en Australie et a aussi un passeport zimbabwéen) n'est pas étranger aux moyens mis par la fédération au service de son grand talent.

Recordman du monde juniors sur haies basses de 99 centimètres en 12"72, il a remporté les championnats de France fin juillet à Albi en 13"01 (+2,3 m/s de vent), l'athlète de 21 ans est le dernier maillon d'une lignée qui, depuis Caristan, a compté Dan Philibert (6ᵉ et 5ᵉ des championnats du monde en 1995 puis 1997), Doucouré, Dimitri Bascou (champion d'Europe et médaillé de bronze aux JO de Rio en 2016), Garfield Darien (vice-champion d'Europe en 2010 et 2012), Pascal Martinot-Lagarde (champion d'Europe 2018, 3ᵉ des Mondiaux 2019, recordman de France en 12"95), Wilhem Belocian (3ᵉ des championnats d'Europe, champion du monde juniors en 2014 et ancien recordman du monde juniors), Aurel Manga (finaliste olympique en 2021) et Just Kwaou-Mathey (3ᵉ des Europe 2022). 

Le contingent tricolore est parmi les plus denses au niveau mondial. Si Martinot-Lagarde est encore à la recherche de son meilleur niveau, c'est un homme de championnat, toujours capable de faire briller son œil du tigre grâce à sa spontanéité, Belocian, Kwaou-Mathey et Zhoya sont de vraies chances de breloques, voire de titre. Dans un sport aussi aléatoire, il est toujours difficile de pronostiquer. Ce qui est certain en revanche, c'est que le 110 m haies français est un modèle pour l'ensemble du sport hexagonal.


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